Bien des villes aujourd’hui, séculaires ou millénaires, ont su intégrer dans leur urbanité une dimension spirituelle, mythologique ou religieuse. La cité pouvait avoir un Saint Fondateur, un ou plusieurs Saints Protecteurs, des Sages et d’une manière plus générale un intercesseur pour assurer, auprès des forces divines, la sécurité de la cité et des citoyens, des confréries, des corporations, etc,. Les procédés et les modalités de l’intercession variaient de maintes et maintes manières, sacrifices, processions, pèlerinages, parades, mais l’objectif est le même : rester en bons termes avec l’esprit des lieux. Qu’il s’agisse des vents et des eaux, des feux du ciel et de la terre, des guerres, des épidémies ou pandémies, du courroux des forces de l’au-delà, etc., il fallait trouver un intercesseur auprès de divinités ou de forces occultes pour assurer la protection de la cité (1).
Dans la multitude de toutes ces manifestations diversifiées, où se mêlent sacralité et protection, appartenance à une même croyance et valeurs partagées (2), peut-on concevoir et trouver un architecte, producteur d’espace humanisé, qui puisse jouer, pour la cité et les citoyens, le rôle de médiateur et protecteur? Ce n’est bien sûr pas l’objet de ce coup de cœur, mais l’on ne peut traiter Antoni Gaudi, dans ses relations et sa fusion avec Barcelone, sans qu’une telle question ne soit formulée. D’ailleurs, la même fusion, la même osmose unissent Mimar Sinan à Constantinople. Chacun des ces deux architectes est ancré dans les lieux et contribue à l’atmosphère, l’ambiance architecturale et urbaine ainsi qu’à la protection qui prévaut dans la cité qu’il a modelée et durablement marquée de son empreinte (3).
Deux coups de cœur pour deux œuvres de Gaudi : le Parc Güell et la Casa Milà (appelée également ″La Pedrera″). Elles sont toutes deux mondialement connues (4).
Parc Güell
Comme la majorité des œuvres de Antoni Gaudi, le Parc Güell est inachevé. Il a été édifié sur une superficie de dix sept hectares, de 1900 à 1914. Une de ces caractéristiques majeures est la situation exceptionnelle de jardins et de terrasses qui surplombent la ville de Barcelone. Les deux seules maisons qui ont été construites encadrent l’entrée qui est théâtralisée et permet soit de monter sur les terrasses par un escalier fontaine où explosent les couleurs de la célèbre salamandre, soit de passer par une grande salle hypostyle avant d’atteindre les terrasses.
La Casa Milà
Figure remarquable de l’Art Nouveau, la Casa Milà est une des œuvres phares de Antoni Gaudi. Elle a été réalisée, entre 1906 et 1910 pour Pere Milà sur un terrain d’une superficie de l’ordre de mille quatre cents mètres carrés, situé au cœur de la principale extension urbaine de Barcelone. La richesse imaginative se déploie sur la façade, sur les cours intérieures, sur le mobilier conçu par Gaudi et sur les terrasses. Le terrain faisait angle mais l’architecte élimina presque cet angle et créa l’impression d’un immeuble arrondi, sans aucune ligne droite, tout en ondulation, courbes et contre-courbes. Les ouvertures sont ornées de garde-corps en ferronnerie d’inspiration végétale. Les terrasses, offrent un beau panorama sur le centre ville ; elles sont surprenantes dans la mise en scène des cheminées et sorties d’escaliers traitées en décor fantastique de personnages casqués. De nombreux différends avec la ville, la municipalité et le maître d’ouvrage ont émaillé cette réalisation exceptionnelle. Elle est aujourd’hui un des monuments les plus visités de Barcelone.
Les diaporamas présentés ci-après ne prétendent pas remplacer les livres, les thèses, les descriptions scientifiques, les sites web, les films sur l’œuvre de Gaudi ou de, manière plus approfondie, sur telle œuvre précise. Le souhait est d’attiser la curiosité d’un lecteur non averti sur une œuvre atypique et magnifique d’un architecte catalan d’exception. Un architecte pionnier dont l’empreinte est une caractéristique majeure de Barcelone, du plus petit carreau de céramique sur les bancs des terrasses du Parc Guëll aux sommets inachevés de la Sagrada Familia.
Said Mouline
Rabat, le 29 août 2012