“Architectures métissées et patrimoines partagés”

Présentation

Lors des deux premières décennies du XXème siècle, Rabat a été, le réceptacle et le lieu d’expérimentation privilégié d’un nouvel art urbain, mettant en rapport, dans des processus d’interaction complexes, la ville ancienne ou médina et la ville coloniale ou ville moderne, l’architecture de la tradition et l’architecture de la modernité, l’espace humanisé de l’indigène et l’espace humanisé du protecteur.

– Comment est-on passé à Rabat, en moins d’une génération, d’une ville précoloniale à l’émergence d’une capitale moderne, considérée de manière unanime comme une des grandes réussites de l’art urbain du début du siècle?

– Comment coexistent et s’articulent, se juxtaposent et se composent, s’affrontent ou s’harmonisent spatialement, en autonomie et en interdépendance, des identités urbaines nourries d’idéologies et de systèmes de références nettement différenciés?

– Comment se sont dégagés, en rupture historique avec les politiques et les modes d’urbanisation antérieurs du colonialisme français, un nouveau paysage et de nouveaux registres urbains? Réalités nouvelles où s’expriment simultanément la modernité d’une architecture située et l’interprétation renouvelée d’un capital esthétique local, incorporé dans des architectures nouvelles. Architectures métissées constituant forcément, dans leur devenir historique, des patrimoines partagés.

Patrimoine partagé

C’est à travers une relecture historique du site et de la ville précoloniale, de l’évolution de la pensée du modèle colonial français, de la spécificité des acteurs, des équipes qu’ils ont constituées et des moyens qu’ils ont mis en œuvre, etc., que l’on tentera de formuler, dans cette rubrique, des réponses à ces questions. Questions qui véhiculent parfois des résonnances actuelles: telles, par exemple, la coexistence des innovations et des traditions; la préservation du patrimoine dans les nouvelles stratégies du développement, etc.

Cette rubrique est introduite par le numéro de la Collection des ″Repères de la Mémoire″ qui lui avait été consacré, puis par un tour d’horizon d’exemples significatifs de l’architecture moderne des années 1920-1930. Au moment où j’écris ces lignes, Rabat vient d’être classée sur la Liste du Patrimoine Mondial. Au-delà de classement, l’appréciation unanime du Jury : “Rabat, capitale moderne et ville historique: un patrimoine en partage” vient conforter plus de deux décennies de travail dans cette perspective. Les résultats de ces travaux, financés par la Fondation Getty et menés avec Rémi Baudoui, viendront progressivement enrichir cette rubrique.

Saïd Mouline
Rabat, le 28 juin 2012